29 novembre 2011

Bon plan théâtral: le jeu de l'amour et du hasard à Mouffetard

Après une semaine pas très joyeuse, je vous propose un bon plan anti-morosité : une sortie au théâtre !

Le théâtre c’est pour les snobs qui se la jouent intello et ça coûte cher, me direz-vous. Ne niez pas, je vous entends ronchonner dans vos mentons gelés par le froid (brrrrrrr).
Je ne sais pas pourquoi le théâtre souffre de cette réputation. D’où vient que dans l’esprit de la plupart des gens le théâtre se limite à quelques comédies de boulevard, populaires et sans intérêt, ou à une flopée de créations obscures mettant en scène des concepts abstraits et peu réjouissant que personne ne comprend ?

Et pourtant…

Au théâtre comme au cinéma, vous trouverez de tout, du populaire au très intellectuel, du Feydeau au théâtre estonien surtitré, du très drôle au larmoyant, du musical, des marionnettes, des classiques, du moderne. Pour peu que l’on vive à Paris, l’offre devient vite incroyable. De nouveaux spectacles se montent chaque semaine et les programmations des différents théâtres parisiens changent très fréquemment. Les chiffres que j’ai trouvés sur la toile (à prendre avec des pincettes donc) indiquent 130 salles rien qu’à Paris pour plus de 300 spectacles par semaine, 450 en période de pleine activité!
Alors oui, vous n’avez que l’embarra du choix.
Et si ce n’était pas ça le problème en fait. Face à tant de diversité, comment choisir, à quel saint ou critique se vouer.
J’ai parfois la sensation en en discutant autours de moi, que les attentes des spectateurs sont bien plus importantes pour un spectacle vivant que pour un film. Pas le droit à l’erreur. Il semblerait qu’on soit beaucoup plus déçu de tomber sur un mauvais spectacle que sur un mauvais nanar.


Question d’argent ?


Pourtant, aller au théâtre peut ne pas être si cher que cela. D’abord de nombreuses réductions existent via des sites internet tels que billetreduc (le plus connu mais il y en a d'autres) ou via les théâtres eux-mêmes qui proposent des abonnements ou des tarifs réduits en particulier pour les théâtres subventionnés. Du côté du privé, les Théâtres parisiens associés, qui regroupe 50 théâtres, proposent des tarifs avantageux  tel que les « 1er aux premières », pour les premières représentations, des places jeunes pour les moins de 26 ans à 10€, des cartes de fidélités etc. Il suffit comme souvent de bien se renseigner.

Évidemment, aller au théâtre revient plus cher qu’une place de cinéma qu’on trouve assez facilement à tarif réduit via les CE, cartes d’abonnements et autres combines, mais – et c’est mon message – pas tant que cela !


Aujourd’hui je vous propose de vous rendre au théâtre Mouffetard, un lieu historiquement populaire.

(Pour ceux que l'histoire de Paris et des théâtres parisiens n'intéressent pas et souhaitent aller directement à l'avis sur la pièce de théâtre, allez directement à la fin de ce billet ou sur le site Froggy's delight.)

On parlait, la dernière fois, de l'époque Saint-Germain d'après guerre avec le théâtre de la Huchette et son fameux record de longévité et sa fidélité à Ionesco. Avec le théâtre Mouffetard on aborde une autre époque des théâtres parisiens, celle de la Rive Gauche, qui ne prendra fin qu'avec les années 80, la victoire du rock, du show business et de la starification, qui fait passer le monde du spectacle à un niveau plus commercial que militant.
Dans les années 60, la révolte prend forme et s'exprime par le biais de la chanson qui prend alors le pas sur la poésie livresque. Toute une génération d'artistes voit le jour grâce à l'augmentation du niveau de vie des classes populaires, la démocratisation de l'accès à l'éducation et à la culture. De nombreux cabarets fleurissent Rive Gauche à Paris. Dans le quartier de la Contrescape qui va de la rue Mouffetard, à la rue Descartes, en passant par la rue de la Montagne Sainte-Geneviève et les alentours, on compte alors pas moins de 17 lieux de spectacles! Il faut dire qu'historiquement ce quartier est celui des pauvres, des aventurier et des artistes, proche des quartiers étudiants et donc des éditeurs mais également de l'Assemblée nationale et du Sénat qui viennent s'y encanailler. Couplez à cela une qualité de logement plus que médiocre et un prolétariat (notamment algérien) omniprésent dans les années 60 et vous obtiendrez le quartier parfait à l'installation d'artistes, pauvres et militant.
Dans ce contexte, pas étonnant que le théâtre Mouffetard, né au début du XXème siècle, sous le nom de la "Maison pour tous" comme un lieu associatif militant contre la misère physique et morale devint après guerre un foyer d'action culturelle à l'origine de l'éclosion de la chanson dans le quartier.
On put y applaudir (entre autres) : Pia Colombo, Paul Barrault, Joêl Holmès, Catherine Sauvage, Simone Bartel, les 4 Barbus, Colette Chevrot, Beck et Marino, Cyril Dives, Fernand Raynaud, Jacques Brel, Pauline Julien, Georges Brassens, Luce Klein, René-Louis Lafforgue, François Deguelt, Bernard Haller, Anne Sylvestre, Yves Joly, Jean Ferrat, Barbara, Raymond Devos (qui fut un pilier du théâtre Mouffetard à ses débuts), etc.

Aujourd'hui le théâtre Mouffetard est subventionné par la ville de Paris (propriétaire du lieu) et se revendique comme un "un théâtre populaire au sens le plus noble de ce terme, ouvert à tous sans distinction d’âge, de niveau social, culturel ou financier" Je cite ici Pierre Santini qui dirige le lieu depuis 2003. Ce dernier a d'ailleurs annoncé qu'il quittait la direction du théâtre à la fin 2011 sans en spécifier les raisons. Peut être est-ce parce que si le théâtre reçoit de la ville des subventions dites de fonctionnement, et investit les recettes engendrées par les entrées des spectateurs dans la communication, en revanche rien n'est alloué à la création, encore moins à la production, malgré des demandes répétées aux instances compétentes. Le théâtre se contente donc de piocher parmi les (nombreux) spectacles déjà existants et qui s'empressent d'envoyer leur candidature chaque année, preuve de la renommée de qualité de sa programmation.



En cette fin d'année 2011, le théâtre Mouffetard devait présenter Les Emigrés de Slawomir Mrozek avec Pierre Santini et Joël Cantona. Cependant, suite à de nombreuses difficultés intervenues dès les premières répétitions, le projet a été annulé et reporté à une date ultérieure encore inconnue.


Et c'est là que le bon plan intervient car, pour remplacer ce spectacle au pied levé, le théâtre Mouffetard a rappelé une troupe qui avait connu un grand succès en 2008 à Mouffetard avec Le jeu de l'amour et du hasard de Marivaux, dans une mise en scène de Xavier Lemaire.


Etant donné le peu de communication qu'il a été possible de faire autours de cette pièce mise à l'affiche à la dernière minute, de nombreuses réductions sont encore possibles (via billetreduc entre autre) pour une semaine environ.

Quand on considère la qualité de ce spectacle c'est une véritable aubaine!

En effet Xavier Lemaire propose une version modernisée, extraordinairement rythmée, mais sans sortir des sentiers battus, de l'excellente pièce de Marivaux, entouré d'une troupe très professionnelle et parfaitement rodée. Décor, costume, éclairage tout est simple, juste, enlevé. Les comédiens sont franchement tous excellents, ce qui est rare car dans une troupe, il y a souvent une vedette qui tire son épingle du jeu.

Autant vous dire que ce sont 2h de pur bonheur.

Je recommende ce spectacle à tous et en particulier aux réfractaires du théâtre qui considèrent toujours (et malgré mon petit laïus militant) que cette forme artistique est inaccessible (intellectuellement et financièrement) et rébarbative.

 Vous trouverez deux critiques, la mienne et celle faite en 2008 de cette pièce sur le froggy's delight.

Bonne lecture et bon spectacle!

Rendez-vous donc au théâtre Mouffetard du 16 novembre 2011 au 7 janvier 2012, du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 17h

Relâches les 18 novembre, 25 décembre et 1er janvier

 
PS: Pour la partie historique, j'ai trouvé pas mal d'information sur ce site.






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